J.O. 265 du 14 novembre 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Avis sur le projet d'arrêté relatif aux prix de vente du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution


NOR : INDI0404012V



Conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003, la CRE a été saisie le 5 novembre 2004 par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et par le ministre délégué à l'industrie, d'un projet d'arrêté relatif aux prix de vente du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution. Ce projet d'arrêté prévoyait une hausse moyenne de 0,18 cEUR/kWh.

La CRE a reçu, le 9 novembre 2004, une saisine rectificative ramenant la hausse moyenne à 0,15 cEUR/kWh, rédigée dans les termes suivants :

« Conformément à la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003, nous saisissons votre commission pour avis sur une éventuelle hausse des tarifs gaziers en distribution publique.

Ce projet de hausse de 0,15 cEUR/kWh en moyenne fait suite à une baisse de 0,28 cEUR/kWh au 1er novembre 2003. Il ne répercute que partiellement l'évolution des prix européens d'un panier de produits pétroliers comprenant le fioul lourd et le fioul domestique, conformément aux principes de la formule tarifaire annexée au contrat Etat - groupe entre l'Etat et Gaz de France (2001-2003). Mais le Gouvernement a souhaité modérer la hausse directement supportée par les consommateurs les plus modestes, à l'entrée de la saison de chauffe, en limitant celle-ci à 3,8 %. »

L'article 1er du projet d'arrêté est ainsi rédigé :

« En application de l'article 5 du décret du 20 novembre 1990, les tarifs de vente hors taxes du gaz combustible distribué par les réseaux de distribution publique en vigueur à la date du présent arrêté sont augmentés de 0,15 cEUR/kWh en moyenne. »

Une annexe, intitulée « Impact du mouvement tarifaire proposé au 15 novembre 2004 », est jointe à la saisine rectificative. Elle détaille la répartition de la hausse moyenne entre les différents tarifs de Gaz de France :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 265 du 14/11/2004 texte numéro 55





1. Observations générales


Ce mouvement tarifaire concerne l'ensemble des distributeurs de gaz naturel, soit Gaz de France, pour environ 96 % des ventes en distribution publique, et les entreprises locales de distribution de gaz naturel (ELD), pour environ 4 %.

Le Gouvernement souhaite modérer la hausse directement supportée par certains consommateurs, à l'entrée de la saison de chauffe, mais il n'apporte aucune autre justification, ni méthode de calcul permettant d'expliquer la hausse proposée de 0,15 cEUR/kWh en moyenne.

Par ailleurs, la CRE n'a pas reçu les projets de barèmes de Gaz de France et des ELD, qui donnent, pour chaque tarif, la répartition entre l'abonnement et la part proportionnelle à la consommation. En conséquence, l'avis de la CRE ne porte que sur l'évolution moyenne du niveau tarifaire et ne saurait valoir avis sur chacun des tarifs.


2. Analyse de l'évolution

des tarifs en distribution publique

2.1. Les tarifs en distribution publique


Les tarifs en distribution publique s'appliquent à des consommateurs raccordés aux réseaux de distribution. Il s'agit, d'une part, des clients domestiques, qui ne sont pas éligibles, d'autre part, des clients professionnels qui n'ont pas exercé leur éligibilité et qui n'ont pas choisi un tarif à souscription. Les tarifs à souscription sont, en principe, destinés aux plus gros consommateurs capables de maîtriser leur consommation de pointe.

Le système tarifaire de Gaz de France comprend sept tarifs principaux : les tarifs Base, B0, B1, B2I, B2S, TEL et TEL Nuit :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 265 du 14/11/2004 texte numéro 55





Chaque consommateur choisit librement le tarif le mieux adapté à ses besoins.

Les systèmes tarifaires des ELD sont structurés de façon similaire.



2.2. Le cadre législatif et réglementaire d'évolution des tarifs en distribution publique


Les textes législatifs et réglementaires en vigueur, auxquels se réfère le projet d'arrêté, prévoient que les tarifs en distribution publique doivent couvrir l'ensemble des coûts exposés par les opérateurs concernés :

L'article 7 de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie prévoit que « les tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts, à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients éligibles. » ;

Le décret no 90-1029 du 20 novembre 1990 réglementant les prix du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de transport ou de distribution prévoit que « le prix du gaz combustible est déterminé et évolue, en moyenne pondérée, en tenant compte des variations :

1° Des coûts de construction, d'entretien et de renouvellement des installations de stockage, de transport et de distribution ;

2° Des coûts d'approvisionnement en gaz ;

3° Des coûts d'exploitation des équipements de stockage, de transport et de distribution. »

En l'absence de décret d'application de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003, celles des dispositions du décret no 90-1029 du 20 novembre 1990 qui ne sont pas incompatibles avec les nouvelles dispositions législatives sont toujours applicables.


2.3. L'absence de cadre contractuel d'évolution des tarifs en distribution publique


Les modalités d'évolution des tarifs en distribution publique étaient, pour les années 2001 à 2003, définies dans le contrat Etat - groupe entre l'Etat et Gaz de France, arrivé à échéance le 31 décembre 2003. Elles prévoyaient que le niveau moyen des tarifs évoluait suivant une formule faisant notamment intervenir l'évolution des coûts d'approvisionnement de Gaz de France, indexés sur les cours du fioul domestique et du fioul lourd ainsi que sur le taux de change dollar/euro, constatés au cours des six mois précédents.

Bien qu'elle ne soit plus juridiquement applicable, la formule d'évolution tarifaire du contrat Etat - groupe (2001-2003) reste une référence pertinente pour calculer l'évolution des coûts d'approvisionnement de Gaz de France. En effet, les contrats d'importation de Gaz de France, qui comportent les clauses d'indexation sur les prix des produits pétroliers, sont les mêmes que ceux qui avaient cours pendant la période couverte par le contrat Etat - groupe (2001-2003).


2.4. L'évolution des coûts d'approvisionnement de Gaz de France


Depuis le dernier mouvement des tarifs de vente en distribution publique intervenu le 1er novembre 2003, les prix des produits pétroliers ont fortement augmenté. Au cours des six derniers mois, le prix du pétrole (Brent) a augmenté de 50 % en dollars par baril et de 38 % en euros par baril, le prix du fioul domestique a augmenté de 49 % en euros par tonne et le prix du fioul lourd a diminué de 4 % en euros par tonne, par rapport au six mois précédant le dernier mouvement tarifaire.



Dans ces conditions, l'application de la formule d'évolution tarifaire des coûts d'approvisionnement du contrat Etat-groupe conduirait à une hausse des tarifs de 0,30 cEUR/kWh, ou 10,4 % en moyenne, soit le double de la hausse proposée de 0,15 cEUR/kWh.


2.5. Les conséquences d'une insuffisance de couverture

des coûts d'approvisionnement en gaz


Une insuffisance de couverture des coûts d'approvisionnement en gaz ne serait pas conforme aux dispositions de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003 et du décret no 90-1029 du 20 novembre 1990. Elle entraînerait des risques financiers pour les opérateurs et des distorsions de concurrence.


2.5.1. Les risques financiers pour les opérateurs


Une hausse limitée à 0,15 cEUR/kWh, si elle n'était pas rattrapée rapidement, mettrait en déficit les activités commerciales en distribution publique des opérateurs concernés.

Le mouvement proposé risque de mettre en péril les ELD. En effet, elles achètent leur gaz sur la base des tarifs à souscription, qui suivent l'évolution des coûts d'approvisionnement de leurs fournisseurs historiques, et le vendent, pour l'essentiel, sur la base des tarifs en distribution publique.


2.5.2. Les distorsions de concurrence

2.5.2.1. Distorsion de la concurrence entre énergies


Le gaz est en concurrence avec d'autres énergies, notamment avec le fioul domestique pour le chauffage. Le mouvement proposé rendrait, de manière artificielle, le gaz plus compétitif par rapport au fioul domestique.


2.5.2.2. Distorsion de la concurrence sur le marché ouvert du gaz


Les clients professionnels qui ont fait jouer leur éligibilité subissent sans délai l'évolution du prix d'achat du gaz. Si le mouvement proposé était décidé, ils seraient pénalisés par rapport à ceux qui ont choisi de rester dans le secteur réglementé.

Ce mouvement serait de nature à freiner l'ouverture du marché à la concurrence. En effet, l'attrait de l'éligibilité diminuerait et les nouveaux fournisseurs auraient encore plus de difficultés à trouver une place. Ce pourrait être le cas des fournisseurs ayant acquis du gaz dans le cadre du programme de gas release.

Par ailleurs, le mouvement proposé créerait une discrimination entre les clients du tarif à souscription S2S et ceux des tarifs TEL et B2S, raccordés dans les deux cas aux réseaux de distribution et dont les consommations peuvent être du même ordre de grandeur. En effet, alors que les premiers ont vu leurs tarifs suivre l'évolution trimestrielle des coûts d'approvisionnement (ils ont subi des hausses moyennes de 6 % au 1er juillet 2004 et de 13,9 % au 1er octobre 2004), les seconds, qui n'ont pas connu de mouvement tarifaire depuis la baisse de 0,28 cEUR/kWh du 1er novembre 2003, ne subiraient pas, dans le mouvement proposé, la répercussion de la hausse des coûts d'approvisionnement.


3. Avis de la CRE


Le Gouvernement justifie son projet de mouvement tarifaire pas son souhait de modérer, à l'entrée de la saison de chauffe, la hausse directement supportée par certains consommateurs. Il n'apporte aucune autre justification, ni en ce qui concerne le niveau de la hausse moyenne de 0,15 cEUR/kWh, ni en ce qui concerne la répartition de cette hausse par tarif de vente.

Pour couvrir l'évolution des coûts d'approvisionnement de Gaz de France, la hausse devrait être de 0,30 cEUR/kWh sur chacun des tarifs.

La CRE prend acte de la volonté du Gouvernement de ne répercuter que partiellement la hausse des coûts d'approvisionnement, pour une courte période, pour les consommateurs relevant des tarifs de type Base, B0 ou B1, car ceux-ci concernent, pour l'essentiel, des clients non éligibles. Elle relève, toutefois, que les prix du gaz vendu à partir des réseaux publics de distribution ont baissé de 0,28 cEUR/kWh au 1er novembre 2003 et qu'une hausse de 0,30 cEUR/kWh ne ferait que les ramener à peu près au niveau antérieur.

En revanche, la CRE émet un avis défavorable sur les propositions formulées pour les autres tarifs, pour lesquels elle estime que l'augmentation de 0,30 cEUR/kWh des coûts d'approvisionnement en gaz doit être intégralement répercutée.

Fait à Paris, le 9 novembre 2004.



Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota